Pour « réformer » le monde difficile de la recherche scientifique et technique, Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur, a proposé, lundi 20 octobre, un plan de revalorisation des carrières scientifiques. Il faut dire que la perspective de toucher à peine plus de 1600 euros par mois, à plein temps, comme seul salaire de huit à dix années d'études et de recherches, c'est assez peu motivant lorsque l'on compare cela aux salaires des secteurs bancaires, du commerce ou de l'industrie, qui tous bénéficient largement des progrès scientifiques obtenus douloureusement par les chercheurs. Il fallait donc que la recherche sorte de l'ornière et de l'obscurité dans laquelle l'avait jeté le culte de la performance et du profit.
La solution proposée par Valérie Pécresse est simple. Puisque la recherche est en dehors du système de la performance et du rendement, il suffit de l'y remettre... Pour cela, le plan de revalorisation des carrières se fera au mérite. Comme les bons élèves à l'école, ce sont les meilleurs qui seront récompensés ou plutôt compensés d'une prime annuelle de 3 500 à 15 000 euros par an ! Pour les autres, ceux dont les travaux nécessitent plus de collégialité, plus de temps, de moyens, dont les résultats immédiats sont invisibles, il n'y aura rien, ou plutôt encore moins.
Qui plus est, les critères de sélection de cette « méritocratie », terme de Jean Fabbri, secrétaire général du syndicat majoritaire de l'enseignement supérieur (SNESUP), ne viennent pas de la sphère des chercheurs. Ils sont imposés par les artisans du « plan » qui ont décidé d'un budget total pour cette opération de 250 millions d'euros, soit environ 1% du budget global accordé au ministère de l'enseignement supérieur, débité sur trois ans (avec seulement 43 millions la première année). Inutile de comparer ce budget avec celui de la défense, de la justice (dont 235 millions pour la réforme des établissements pénitentiaires) ou de l'intérieur.
Ce plan arrive en même temps qu'une suppression de 900 postes dans le secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche, un déficit budgétaire record pour 2009 de 49 milliards d'euros et une crise financière mondiale qui oblige les pouvoirs publics à venir au secours des « excellents » élèves de la finance et de la banque.
L'esprit de recherche implique que l'on soit capable de mesurer l'impact des actions d'aujourd'hui sur l'avenir des individus, des sociétés et de l'environnement qui les supportent. Ainsi, à force d'étude du patrimoine culturel et scientifique, de recherches dans les terrae incognitae de notre savoir, de notre planète ou de notre univers, sommes nous capables de prévoir l'avenir, de le façonner et d'y trouver des solutions à des problématiques critiques qui menacent notre existence. L'énergie renouvelable, l'industrie propre, la longévité et la santé des individus, la stabilité démocratique et économique, l'éthique et les droits de l'homme se fondent sur l'esprit de recherche et sur son produit. Ce produit a une valeur inestimable qui ne peut être inférieure à celle de la répression, de la guerre ou du profit.
Il est du devoir du Souverain de protéger le peuple et le pays. Cette protection n'implique pas l'amputation des qualités et des possibilités de ce même peuple, ni d'entamer de manière radicale ses perspectives futures. Ainsi il est de la responsabilité du Souverain de permettre aux Maîtres de mener leur mission dans les meilleures conditions possibles et de ne pas juger de la qualité de leurs efforts ni de la performance ou du rendement de leurs produits. Seule l'Histoire peut nous donner des réponses sur l'efficacité de telle ou telle recherche, de tels ou tels travaux. Or le Souverain ne saurait se substituer à la marche de l'Histoire, sauf au péril de se transformer en pouvoir totalitaire.
La recherche fondamentale est la pierre de touche du progrès scientifique et humain. Toutes les autres disciplines lui sont tributaires comme autant de rivières d'un même fleuve démesuré. Elle hérite de l'ensemble du travail effectué par tous ceux qui nous ont précédé et qui les uns, rares, ont produit des découvertes prodigieuses, et les autres, majorité de l'ombre, éliminé les chemins de traverse. Car ce sont sur les échecs et la communauté de tous les travaux que se sont construits les progrès actuels. Jean Fabbri décrit cette réalité d'une manière limpide : « La ministre souhaiterait individualiser la profession et nous mettre tous en concurrence. C’est d’une bêtise absolue. C’est la collégialité qui prime dans la recherche et l’enseignement (...). » (France Soir, 21-10-2008, p. 9)
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1 commentaire:
C'est ça, la collégialité!
YES WE CAN!
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